LES PETITS DAMNES DE LA TERRE
Ils vivent le poids de l’enfance
A deux ou trois couteaux tirés
Un pied posé l’autre en partance
Les yeux baissés sur le passé
Pas de béquilles mais des bottes
Pas un jupon qui vole au vent
Les sanglots coincés dans la glotte
Qui toussent un peu de temps en temps
Ils sont notre monde refaire
Les petits damnés de la terre
Ils ont quelquefois la visite
D’un qui les raccorde la vie
Qui vient toujours un peu trop vite
Trop tôt trop tard qui sait qu’il fuit
Un doigt dans l’œil du référant
L’autre sur le journal intime
La photo maton de maman
Dans le porte carte en vitrine
La bonne conscience éphémère
Des petits damnés de la terre
Ils sont douze amours par chambrée
Comme des bateaux de bois vert
Qui tournent le monde en carré
Qui du placard aux étrangères
A cours d’arguments d’espérance
Il font d’un livre une cabane
Ils raccommodent le silence
Dans la nuit froide d’un walkman
Ils vont s’y coucher pour s’y taire
Les petits damnés de la terre
Couchés courbés le cœur en vrac
A deux soleils de leur printemps
Ils ont des boulets dans leurs sacs
Qu’ils ne posent que de temps en temps
Il sont la croute d’une plaie vive
Qu’ils s’échinent cicatriser
Mais comment voulez-vous qu’ils vivent
Les deux pieds dans le même soulier
Ils ont la mort en bandoulière
Les petits damnés de la terre
A vingt ans on les lâche en ville
Dans le dédale de nos lois
Braves gens qui n’êtes tranquilles
Que dans votre propre embarras
Si vous n’aviez la main tendue
Vous aviez la fenêtre ouverte
Quand il pleut du malentendu
Ils se réchauffent au bois des êtres
Ils sont la table des matières
Les petits damnés de la terre
Quelquefois leur ombre s’étale
Sur le bureau d’un ministère
Dans le lit chaud d’un tribunal
L’impertinence de se taire
Alors ils volent ce qu’on leur doit
Ils courent après l’indescriptible
Ils tombent se relèvent mais toi
Tu restes au centre de la cible
Croyez vous qu’on les exagère
Les petits damnés de la terre. |